Comment convaincre son propriétaire ?

Quelle est la valeur d’une exploitation agricole si la majorité des terres exploitées sont en location et que les propriétaires veulent reprendre leur bien ?

Le recours au fermage ou plus généralement à la location de foncier est une pratique qui représente en France plus de 50% des terres exploitées. Alors que certaines régions recourent peu à ce mode d’exploitation très rare dans le Sud-Ouest par exemple), il est par contre majoritaire dans le Nord Ouest de la France.

Louer du foncier permet pour un exploitant d’avoir une charge annuelle inférieure à la charge de remboursement de prêt en cas d’achat. C’est souvent le passage obligé pour un Jeune Agriculteur qui ne pourra pas à la fois acheter l’outil de production (bâtiments, matériel, cheptel, stocks, …) et le support immobilier de la production.
Il est d’ailleurs difficile de trouver des terres agricoles libres sur le marché. Le marché des terres représente chaque année de l’ordre de 1% de la surface agricole totale. (Selon les chiffres de la SAFER). Cette absence de foncier disponible sur le marché est d’ailleurs un des facteurs expliquant la hausse continue des prix depuis plusieurs années.
Le recours à la location du foncier, qu’il soit donc choisi ou subi, n’est pas sans conséquence au moment de la transmission et représente aujourd’hui une des difficultés majeures.

Prenons par exemple, une exploitation laitière avec une référence laitière de 450 000 litres sur 100ha. L’exploitant en place, au moment de la mise aux normes, a choisi de construire une nouvelle stabulation de 100 places de logettes car, en bon chef d’entreprise, il a anticipé sur l’avenir.Quelques années plus tard, son fils décide de ne pas reprendre l’exploitation. Il a un bon travail salarié et son épouse n’a pas envie d’être bloquée tout les week-ends.

Jusqu’ici, rien que de très classique.


Notre exploitant, proche de l’âge de la retraite, décide alors de rechercher un repreneur pour son exploitation et contacte ses 5 propriétaires (chacun 20ha) pour les informer de son projet :

  • Le premier, âgé de 75 ans est d’accord pour relouer mais il ne signera aucun papier car il veut être libre. D’ailleurs, son notaire lui a bien dit de ne rien faire sans avoir obtenu au préalable une résiliation de bail.
  •  Le second a fait il y a maintenant 5 ans une donation partage avec réserve d’usufruit à ses 3 enfants. Il ne peut donc plus décider seul. La situation est d’ailleurs compliqué car un de ses enfants vit à l’étranger et a coupé les ponts avec sa famille. Son deuxième fils souhaite reprendre sa part de foncier pour ses chevaux.
  •  Le troisième (célibataire) souhaite louer les terres à son neveu qui est exploitant à coté. Les terres ne suivront donc pas au repreneur de l’exploitation.
  •  Le quatrième est très content de récupérer les terres car il a depuis longtemps pour projet de boiser les terres dont il est propriétaire. Il insiste d’ailleurs fortement sur le niveau très faible du fermage qu’il perçoit. Il préfère boiser. Ainsi, il transmettra un patrimoine à ses enfants. Il paiera également moins d’ISF et plus du tout de prélèvements sociaux sur ses revenus fonciers.
  •  Le cinquième n’est pas du tout attaché à la terre. Il est d’accord pour vendre mais il prendra son temps car il sait qu’il aura de nombreux acquéreurs prêts à mettre cher pour avoir ses terres. C’est bien 4 500 litre de lait par ha ?
Notre exploitant a donc de superbes bâtiments laitiers à vendre valant certainement plusieurs centaines de milliers d’euros. Son comptable lui a d’ailleurs fait une étude d’évaluation en ce sens.Mais aucun acheteur de ses bâtiments n’aura la certitude de pouvoir exploiter le même foncier. Hors, ce foncier est porteur de la référence laitière de l’exploitation. De plus, il permet d’activer les 100 DPU que l’exploitant possède et qui valent entre 300 et 500 € à l’unité.
Quelle est la valeur de vente de son bâtiment ?

La question n’est elle pas plutôt : Y a-t-il un acquéreur pour son bâtiment ?

Notre exploitant trouvera peut-être un voisin intéressé pour racheter à bas prix un magnifique outil de production.Même si le premier et le second propriétaire sont d’accord pour relouer les terres à un repreneur, il ne sera pas possible de transférer la référence laitière et les DPU à un repreneur s’il ne veut rien signer. Une attestation de bail verbal serait utile pour les DPU mais sans effet pour un transfert de référence laitière ou il faut une location sur plusieurs années.
La France a en effet choisi historiquement de lier les aides économiques et les droits à produire avec les surfaces. Il est interdit de valoriser la référence laitière mais la valeur de l’exploitation de notre vendeur dépend bien entendu de son potentiel économique qui est liée à la référence laitière et aux DPU.

Quelle solution pour notre exploitant agricole ?
  • Trouver des accords avec ses propriétaires
  • Ou racheter lui-même le foncier à ses propriétaires s’ils acceptent pour relouer lui-même à un repreneur.
  •  La cession du bail à un tiers n’est envisageable que dans le cadre d’un bail cessible, quasi-inexistant aujourd’hui.
 Le propriétaire a des droits et il ne me parait pas équitable de lui imposer un repreneur. La généralisation de la cessibilité des baux ne serait possible qu’en contrepartie d’une majoration des fermages.Serait-elle tenable pour les exploitants ?
Ce lien entre droits à Produire et Foncier doit sans doute être revu pour certaines productions ou dans certaines situations. Peut-on accepter aujourd’hui de détruire des outils économiques pour une question de formalisme administratif ?
Les exemples de réactions de propriétaires sont des situations réelles que nous rencontrons aujourd’hui dans un nombre trop important de projet.

Vos réactions et suggestions sont les bienvenues.

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